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Aurèle

Créations en origami, Introduction

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suzume
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Créations en origami, Introduction

Message par suzume »

Voici l'introduction de « Créations en origami » de JC Nolan. J'ai réécrit des parties du texte après la relecture, donc le contenu est un peu différent du PDF qui a été diffusé hier. C'est la dernière partie écrite « gratuite » du livre que je suis autorisée à diffuser. Il y a une troisième partie, le diagramme de la Rose d'Andréa, sur lequel je suis en train de travailler. Je le diffuserai dès que possible et je vous tiendrai au courant ici de l'avancée de la traduction.

A plaisir de lire vos commentaires et autres suggestions.

Jean-Christophe Helary

[hr]

Créations en origami : les origines

Tout a commencé par une libellule créée il y a bien longtemps par un artiste japonais inconnu. J’avais trouvé ce modèle dans un livre que j’avais eu enfant et que je pensais avoir perdu. Après quinze ans d’absence, je me retrouvais devant une feuille de papier à suivre les instructions de pliage. Je trouvais la libellule ainsi créée plutôt médiocre. Le modèle n’était pas particulièrement fin, il demandait de nombreux découpages et était plié à partir d’un hexagone et non pas d’un carré. De plus, l’esthétique du modèle ne me satisfaisait pas pleinement.[1]

Pendant mon adolescence, je voulais apprendre à programmer dans un langage appelé « assembleur ». Mes amis m’avaient vite découragé en affirmant que personne ne pouvait écrire dans ce langage et qu’il fallait être un génie pour ça. Pendant un certain temps je vivais dans la peur de l’assembleur, inquiet même à l’idée de m’y essayer. Comme je suis têtu, j’ai finalement décidé d’apprendre seul, que je sois ou non suffisamment intelligent pour mener la tâche à bien. J’ai découvert que ce n’était pas si difficile que ça : l’assembleur est simplement un langage très différent des autres. Plus tard, à l’université, j’ai appris que l’assembleur était une unité d’enseignement requise pour obtenir mon diplôme. Si tout le monde devait passer l’examen, cela ne devait pas être si dur que ça. Il n’y avait ainsi aucune raison d’être inquiet, c’était seulement mon appréhension du sujet qui le rendait menaçant.

Il en fut de même pour l’origami. La création de modèles originaux m’avait toujours semblé proche d’une magie invoquée par des sorciers mystérieux et hyperintelligents qui se rassemblaient en réunions secrètes et y partageaient leurs mystères tout en produisant leurs diagrammes et leurs livres sans effort aucun pour enfin les distribuer au reste de la populace. Je pensais que la conception était une tâche bien au-delà de mes capacités et n’avait jamais vraiment considéré m’y atteler. C’est cette libellule qui m’inspira, peut-être à cause de mon insatisfaction vis-à-vis de l’original, ou peut-être parce que j’étais plus vieux et plus sûr de moi. Quelle qu’en fût la raison je me mis à penser qu’il devait y avoir un moyen de la plier sans découper le papier, et me voilà lancé.

J’aimerais pouvoir dire que créer une libellule est une tâche aisée. En fait, cela m’a pris plusieurs mois au cours desquels j’ai rencontré de nombreux obstacles. Mais ces tentatives m’ont permis sans le vouloir de créer quantité d’autres modèles dont : un crabe fer à cheval, une araignée, une tarentule, une pieuvre, un insecte-feuille étrange et une base d’oiseau à 8 côtés.[2] Tous ces modèles furent découverts en partie par accident et en partie grâce à des expérimentations visant à résoudre les problèmes qui se posaient à moi pour la conception de la libellule. Le crabe fer à cheval fut le premier modèle plié en m’amusant avec un papier dans l’espoir de créer une base pour la libellule. L’araignée et la base d’oiseau à 8 côtés furent découvertes en essayant de créer les ailes de la libellule. La tarentule et la pieuvre le furent en essayant d’adapter les proportions de l’araignée, et l’insecte-feuille est en fait un modèle d’entraînement plié pour tester une idée que j’avais eue pour les pattes de la libellule. Tous ces modèles sont issus de la libellule d’une manière ou d’une autre, mais la plupart d’entre eux sont le fruit du hasard des pliages.

J'ai considérablement progressé pendant cette période de découverte et j'étais passionné par le processus lui-même. Je voulais apprendre autant de choses sur la création qu’il était possible de connaître. Je voulais savoir comment les créateurs gardaient la mémoire du modèle alors qu’ils pliaient sans suivre d’instructions, comment ils résolvaient les problèmes auxquels ils étaient confrontés dans leurs créations. Je voulais savoir d’où venait leur inspiration et quelles stratégies ils utilisaient. Je voulais savoir comment les gens créaient. Mais en interviewant quelques créateurs d’origami tel que Michael Shall du Centre américain des amis de l’origami, ou encore John Montroll, j'apprenais que très peu avait été écrit sur ce sujet.[3] Je décidais que s’il n’y avait pas de livre disponible, alors j’écrirais le mien, et ce fut le début de trois ans d’obsession, de frustrations, mais aussi de jubilations à créer « Créations en origami ».

Créations en origami : une philosophie

L’origami est devenu mieux accepté et plus populaire ces dernières années. Il a toujours été considéré comme une activité distrayante et digne d’intérêt partagée aussi bien par les petits que par les grands enfants, mais c’est en fait une forme d’art naissante qui commence tout juste à être reconnue comme telle. On a pu voir une transformation similaire s’opérer récemment dans le monde des comics, où des scénarios traditionnellement vides, sans personnages et sans trames dramatiques ont dans les dix dernières années évolué progressivement grâce à l’émergence de travaux d’auteurs tels que Frank Miller, Alan Moore ou Dave Simm qui créèrent des comics à la valeur artistique et littéraire reconnue. Des titres tels que « Ronin », « Dark Knight », « The Watchmen » et « Cerebus » sont en fait des romans présentés sous forme graphique. Le succès de ces premières tentatives a lancé la production de comics plus intéressants, ce qui a poussé encore plus d’artistes à participer au mouvement. Ce changement de perspective est depuis quelques années la cause principale de l'augmentation considérable aussi bien à la télévision qu’au cinéma de matériaux issus du monde des comics, sans même mentionner la maturation des contenus thématiques trouvés dans les comics dominants tels que « Spiderman » ou « Superman ».

On peut dire qu’il en est de même pour le pliage de papier. Considéré essentiellement comme passe-temps au même titre que le crochet ou les modèles réduits, où le respect des instructions et la finition du projet représentaient en eux-mêmes une victoire, il est enfin considéré comme une forme de sculpture, où les conditions strictes de la pratique : le simple pliage d’un carré de papier, aboutissent à une beauté formelle.

L’histoire nous a donné d’autres formes d’art aux conditions de pratique encadrées de manière similaire. Le sonnet shakespearien, par exemple, est un poème de quatorze vers groupés en trois quatrains suivis d’un distique. Sa forme rythmique est également codifiée, l’accentuation des mots devant respecter certains motifs et les rimes des quatrains devant de plus être croisées. On trouve des formes similaires en musique classique avec l’exemple du canon où la même mélodie est jouée de manière non synchronisée.[4] C’est le cas aussi des « canons à cancrizans » au piano où la ligne jouée par une main est l’inverse de celle jouée par l’autre main.[5] Cependant, quelle que soit la difficulté présentée par l’interprétation de ces motifs, leur écriture est considérablement plus complexe, car non seulement chaque note doit être en harmonie avec les notes qui l’entourent, mais aucune dissonance ne doit naître de la combinaison de la mélodie avec la mélodie qui la complète, soit décalée, soit inversée. Produire un son harmonieux dans ces conditions très contraignantes est alors une gageure.

L’origami est comme une sonate sculpturale en papier. C’est un puzzle, mais aussi une réalisation technique tout autant qu’une forme esthétique. C’est une juxtaposition mystérieuse de science et d’art, de cerveau droit et de cerveau gauche, car l’essentiel du processus artistique est dissimulé dans le modèle, entre les différentes techniques et solutions adoptées par le concepteur pour aboutir à la séquence de pliage finale. Pour l’artiste dont le but est de créer un objet beau, le choix du média et de la technique de pliage offrent quantité de variations possibles, mais seule la conception de modèles originaux lui permettra de contrôler intégralement le processus. Heureusement, résoudre les problèmes, éviter les pièges et finalement être couronné de succès sont parmi les expériences les plus satisfaisantes que l’on puisse vivre. L’artiste a ainsi la possibilité de connaître chaque aspect du processus créatif : non seulement le choix du média et de la technique de pliage, mais aussi la capacité de contrôler le détail le plus infime de l’objet final et l’extase de la création.

Créations en origami : la structure

Ce livre est composé de trois parties principales : « Expériences », « Inspirations », et « Créations ». Les deux dernières parties offrent des instructions pour plier de vrais modèles et donnent également une courte description de l’origine de chacun d’entre eux. « Inspirations » présente les modèles qui m’ont le plus intrigué pendant ma jeunesse. Certains étaient mes pliages favoris et d’autres étaient tellement durs à déchiffrer que je ne pouvais que rêver de les plier. Une grande partie des modèles, surtout ceux de Patricia Crawford, ne sont plus publiés. D’autres comme la chaîne en papier d’emballage de chewing-gum n’ont, à ma connaissance, jamais été publiés. La partie suivante, « Créations » donne les instructions pour le pliage des modèles que j’ai conçus lors de l’écriture de ce livre. Certains sont grossiers, d’autres plus raffinés. Certains sont simples et d’autres extrêmement complexes. Il est important, je pense, de dévoiler ici la totalité de mon travail : pas seulement le meilleur, mais aussi ce qui n’est pas aussi abouti ou satisfaisant, car la création de chaque modèle, qu’elle résulte en un succès ou non, est une partie importante de l’expérience d’apprentissage.

« Expériences » est dédié à la présentation du processus de création d’un origami et à l’exposition de ce que j’ai appris lors de la conception des modèles de ce livre. La partie est divisée en plusieurs sous-parties. La première est consacrée à la présentation des outils et matériaux indispensables au processus de création. La seconde donne une présentation chronologique de la manière dont chacun des modèles a été conçu. J’y présente l’approche choisie pour la conception du modèle, l'origine du concept, mais aussi les problèmes qu'il m'a fallu résoudre pendant la création. La dernière sous-partie présente le processus d’un point de vue théorique et inclut plusieurs essais.

J’espère que vous apprécierez « Créations en origami ». Son élaboration a été une considérable expérience d’apprentissage. Son développement m’a permis d’acquérir un profond respect pour les concepteurs qui m’ont précédé et pour ceux qui sont encore en activité aujourd’hui. Isaac Newton a dit : « si j’ai vu plus loin que les autres, c’est parce que j’ai été porté par des épaules de géants » et c’est un sentiment que je partage aujourd’hui en ce qui concerne mon propre travail. La conception de modèles originaux est, tout comme pour d’autres formes d’art, un processus où les découvertes viennent de l’étude du travail d’autrui et de l’inspiration qu’on en tire, de l’application d'anciennes découvertes à des territoires nouveaux, de la transformation de travaux préexistants jusqu’à l’obtention de résultats différents et uniques, et propres à soi. J’espère que ce livre vous incitera à faire de même, sur la base de mon travail et du travail d’autres créateurs, et que vous partagerez l’enthousiasme et la satisfaction qui vous seront communiqués par la conception de vos propres créations en origami.

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1 Cela ne veut pas dire que je n’apprécie pas ce modèle. Il a historiquement une signification particulière comme toutes les premières créations d’origami, qu’elles adhèrent ou non à la règle moderne « un carré, pas de découpages ». Au regard de leur simplicité, leur conception montre une efficacité et une beauté stylisée exceptionnelles et le fait qu’une telle beauté mystérieuse a pu être produite à partir de quelques plis et quelques découpes est en soi à saluer. Mais la vérité est que ces créations sont des 2 CV dans notre âge d’automobiles à hautes performances et contrôlées par ordinateur. Les technologies qui sont aujourd’hui accessibles aux créateurs, que ce soient une notation acceptée et standardisée ou encore plusieurs dizaines d’années de modèles disponibles à partir desquels l’inspiration peut naître, donnent aux concepteurs un avantage considérable qui a contribué à produire des modèles d’une telle sophistication qu’ils n’auraient jamais été considérés comme possibles par des générations plus anciennes.

2 J’ai utilisé cette base plus tard dans un modèle de Cerbère, le chien mythique tricéphale.

3 Je pense que cette absence d’informations publiées a été responsable d’un certain mysticisme de ma part vis-à-vis du processus de création. Il faut aussi considérer que l’origami a considérablement gagné en popularité dans les dernières années et cet intérêt croissant pour cette forme d’art sera vraisemblablement accompagné d’une augmentation des publications sur le sujet. J’ai depuis découvert plusieurs livres de très grande qualité qui incluaient une partie sur la création même si leur approche me paraît technique et complexe. Il s’agit d’« Origami Omnibus » du grand maître japonais Kunihiko Kasahara, de « Folding the Universe » de Peter Engel et d’« Origami Zoo » de Robert Lang et Stephen Weiss.

4 La chanson « Frère Jacques » est un exemple connu de canon commun.

5 Des descriptions fascinantes d’autres formes canoniques peuvent être trouvées dans « Godel, Escher, Bach » de Douglas R. Hofstadter.
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gachepapier
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Re: Créations en origami, Introduction

Message par gachepapier »

Ça me plait bien, la traduction est fluide et la lecture agréable, je crois ue ça va être un bon ajout à ma bibliothèque (je pense que je choisirai un format digital).
gachepapier

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Viviane
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Re: Créations en origami, Introduction

Message par Viviane »

Bonsoir,

Cette lecture est un régal. Merci beaucoup de mettre à disposition des membres du Forum un tel texte. C'est la meilleure des pubs pour le livre... très habile ! :)

J'ose faire encore une petite correction, toujours pour saluer la qualité de ce travail :
suzume a écrit :Je décidais que s’il n’y avait pas de livre disponible, alors j’écrirais le mien, et ce fut le début de trois ans d’obsession, de frustrations, mais aussi de jubilations à créer « Créations en origami ».
"Je décidai" passé simple (et non imparfait) : c'est le moment d'une décision, cela ne dure pas !

Bien cordialement,

Viviane.
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aurele
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Re: Créations en origami, Introduction

Message par aurele »

Je viens de lire l'introduction, merci pour ce texte et le travail.

Petit détail musicologique : si wikipédia parle de «canon à cancrizans», cette traduction est fausse : on parle de canon cancrizans en latin, mais en français on utilise sa traduction canon à l'écrevisse,
Apollinaire a écrit :Incertitude, ô mes délices / Vous et moi nous nous en allons / Comme s'en vont les écrevisses, / À reculons, à reculons.
Bon travail pour la suite,
A.
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suzume
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Re: Créations en origami, Introduction

Message par suzume »

Merci infiniment pour les remarques positives et les corrections. Tout est noté et sera inclut dans la version finale. J'ai trouvé quelques endroits à améliorer, mais bon, ce sera pour une dernière relecture. Je viens de recevoir 2 gros PDFs de l'auteur. Le premier est le "journal" qui décrit les circonstances de la découverte des modèles présentés dans le livre (24 pages pleines de texte) et le second est un texte assez technique qui décrit la structure interne des bases traditionnelles (5 pages avec beaucoup de graphiques).
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